But et plus-value de l’étude
Pour la 6ème fois consécutive, PPCmetrics publie son analyse des rapports annuels des caisses de pensions. La situation des institutions de prévoyance suisses est d’un grand intérêt pour les assurés, le public et les responsables des caisses de pensions. En complément aux indicateurs présentés l’année dernière, cette publication comprend un sous-chapitre concernant la nouvelle directive technique pour la détermination du taux d’intérêt technique (DTA 4). Par ailleurs, le thème prépondérant de l’année 2020 est le coronavirus et ses effets. Un chapitre spécial traite ainsi de l’évolution des marchés financiers en 2020.
L’étude se base sur les données issues des rapports annuels audités. Ces données se caractérisent par leur haut degré de standardisation et une grande fiabilité. L’analyse se concentre sur des indicateurs fondamentaux et comparables. Enfin, l’étude repose sur un vaste peer group représentatif composé de 289 caisses de pensions, représentant une fortune de prévoyance totale de CHF 730 mrd. et plus de 3.4 mio. d’assurés.
Résultats principaux
Pour l’exercice écoulé, les principaux résultats peuvent être résumés comme suit:
Rendement réel
En 2019, le taux d’intérêt crédité sur les capitaux d’épargne des assurés actifs a sensiblement augmenté par rapport à l’année précédente. Par rapport à 2018, le taux d’intérêt moyen a augmenté de +1.15 point (institutions de droit public: +0.77 point, institutions de droit privé: +1.23 point). Le taux crédité moyen en 2019 était de 2.53% (2018: 1.38%) et le taux médian de 2.00% (2018: 1.00%). Par rapport à l’année dernière, des rémunérations plus élevées, voire très élevées, ont été accordées plus fréquemment. En 2019, environ un tiers des caisses de pensions a accordé un taux d’intérêt supérieur à 2.5%. Les taux d’intérêt crédités ont également augmenté de manière significative dans la partie inférieure de la distribution. Alors qu’en 2018 plus de la moitié des caisses de pensions (environ 55%) avaient crédité le taux d’intérêt minimal LPP de 1%, cette proportion n’était que d’environ 20% en 2019 (voir chapitre 2).
Le taux d’intérêt crédité moyen sur les capitaux d’épargne des assurés actifs a augmenté de +1.15 point, en comparaison à l’année précédente (2018: 1.38%, 2019: 2.53%), notamment en raison de performances positives et de degrés de couverture supérieurs. La valeur moyenne en 2019 est donc nettement supérieure à la valeur correspondante de l’année précédente et représente la deuxième valeur la plus élevée depuis le début de cette comparaison (2008: 2.56%). Plus des trois quarts des caisses de pensions ont accordé un taux d’intérêt supérieur au taux d’intérêt minimal LPP de 1%.
Taux d’intérêt technique
La tendance à la baisse des taux d’intérêt techniques (perspective d’évaluation) s’est poursuivie à un rythme soutenu par rapport à l’année précédente. En comparaison avec 2018 (1.99%), le taux d’intérêt technique moyen a baissé de ‑0.23 point en 2019 pour atteindre une moyenne de 1.76%, alors que les emprunts de la Confédération à 10 ans ont baissé de ‑0.30 point sur la même période. Le taux d’intérêt technique moyen a donc baissé de manière moins marquée que le niveau des taux sans risque à long terme. La différence de taux d’intérêt technique moyen entre institutions de prévoyance de droit public (1.96%) et de droit privé (1.71%) se monte à 0.25 point (2018: 0.32 point). Une convergence des taux techniques a été observée en 2019. Toutefois, la différence des taux d’intérêt techniques reste importante et se situe dans une fourchette comprise entre ‑0.36% et +3.50%. L’institution de prévoyance présentant le taux technique le plus bas est une caisse de rentiers.
Par rapport à l’année précédente, le taux d’intérêt technique moyen a de nouveau baissé et ce, de façon encore plus marquée que l’année précédente. Le taux technique a baissé de ‑0.23 point, en moyenne, l’année dernière. Les taux techniques ont toutefois, en moyenne, baissé moins fortement que le taux des emprunts de la Confédération à 10 ans.
Rendement absolu moyen
La performance absolue moyenne de toutes les caisses de pensions examinées se montait à +10.77% (médiane: +10.92%) en 2019. La performance moyenne des institutions de prévoyance de droit public (+10.80%) et des institutions de droit privé (+10.76%) est à un niveau comparable. Au total, environ 3.9% des institutions de prévoyance ont réalisé des performances absolues de moins de +6% en 2019 et environ 4.9% affichaient des performances supérieures à +14%.
En comparaison à l’année dernière, les écarts de performances en 2019 ont été beaucoup plus prononcés (maximum: +20.05%; minimum: +1.80%). Un peu plus des deux tiers des institutions de prévoyance ont affiché une performance comprise entre +9.0% et +12.5% en 2019.
Sans exception, les 284 caisses de pensions ont toutes réalisé des performances positives. Toutefois, des écarts de performances extrêmes ont été constatés entre les performances les plus élevées et les plus basses.
Avec une performance absolue positive de +10.8%, l’institution de prévoyance moyenne a crédité un taux d’intérêt de 2.51% aux assurés actifs. Le taux d’intérêt crédité a fortement varié parmi les caisses de pensions ayant réalisé des performances similaires. D’autres facteurs, comme par exemple la tolérance structurelle au risque, ont vraisemblablement eu un effet sur le niveau du taux d’intérêt crédité (voir chapitre 4).
En 2019, la relation entre la performance réalisée et le taux d’intérêt crédité est positive mais n’explique que partiellement l’écart des taux d’intérêt crédités. Un nombre de caisses de pensions sensiblement moins élevé que l’année précédente a opté pour le taux d’intérêt minimal LPP de 1%.
Suite à la forte augmentation des cas de coronavirus en dehors de la Chine, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a déclaré l’état d’urgence sanitaire mondial le 30 janvier 2020 et la situation de pandémie de COVID 19 le 11 mars 2020 en raison de l’ampleur de la propagation du virus. Après une première hésitation, il est apparu dès le 19 février 2020 que la propagation internationale du coronavirus aurait également un impact sur les marchés financiers.
Degré de couverture sous risque
Le degré de couverture sous risque mesure la charge des porteurs de risque des caisses de pensions suisses. L’enquête actuelle montre que la tolérance structurelle au risque des institutions de prévoyance s’est considérablement améliorée en 2019. Ainsi, le degré de couverture sous risque moyen des institutions de prévoyance en capitalisation complète est passé de 89.0% (2018) à 102.3% (2019, pour le groupe de comparaison des caisses de pensions disponible) et se situe donc presque au même niveau qu’en 2017 (102.4%). Un degré de couverture inférieur à 100% signifie que les rentes en cours ne peuvent pas être financées sans le soutien des porteurs de risque. L’amélioration significative du degré de couverture sous risque peut être principalement attribuée aux performances positives en 2019. Les taux d’intérêt n’ont pas évolué de manière significative en 2019, ce qui signifie qu’il n’y a pas eu d’impacts majeurs dans les valorisations des engagements (voir chapitre 6).
Le degré de couverture sous risque mesure de manière transparente et comparable la situation financière effective des caisses de pensions suisses du point de vue des porteurs de risque. Le degré de couverture sous risque moyen des caisses de pensions en capitalisation complète a considérablement augmenté l’année dernière, passant de 89.0% (2018) à 102.3% (2019), en raison des performances absolues positives. Il se situe donc à un niveau similaire à celui de 2017 (102.4%). Un degré de couverture sous risque supérieur à 100% signifie, qu’à fin 2019, les capitaux restants après financement des rentes en cours se situent en moyenne légèrement au-dessus des prestations de sortie des assurés actifs.
Taux de conversion
Les taux de conversion des institutions de prévoyance analysées s’élevaient, en moyenne et en médiane, à 5.56% au 1er janvier 2020 (01.01.2019: 5.75% en moyenne et médiane 5.80%). Pour environ 17% (2018: 27%) de toutes les caisses de pensions considérées, le taux de conversion était supérieur à 6.0%, tandis que 18.5% (2018: 8.5%) appliquaient un taux de conversion de 5.0% ou moins. Ainsi, il y a autant de caisses de pensions qui utilisent un taux de conversion inférieur à 5.0% que celle recourant à un taux supérieur à 6.0%. Par rapport à l’année précédente, tant le taux de conversion médian que moyen ont diminué de manière significative et sur une large base. Les taux se situent dans une fourchette comprise entre 3.5% et 7.2%. Sur la base des taux du marché au 31.12.2019, le taux de conversion économiquement neutre se monte à 3.57%
Compte tenu du niveau des taux à fin 2019, le taux de conversion économiquement neutre s’élève à 3.57%. Le taux de conversion moyen de 5.56% est donc encore très supérieur. Cela signifie que, d’un point de vue économique, le capital nécessaire pour financer une rente (garantie) dépasse l’avoir de vieillesse disponible au moment de la retraite.
Une autre analyse compare les taux de conversion futurs déjà connus des caisses (pour les 10 prochaines années au maximum). Les caisses de pensions au sein de ce groupe de référence prévoient des taux de conversion moyens de 5.39%. Comparé à l’année précédente (2018: 5.58%), cela signifie une baisse de ‑0.19 point. On peut donc s’attendre, à l’avenir, à des taux de conversion nettement plus bas (voir chapitre 8).
Au 01.01.2020, les taux de conversion des institutions de prévoyance, s’élevaient à environ 5.56% (01.01.2019: 5.75%) et seront, selon les informations connues aujourd’hui, abaissés à 5.39% en moyenne dans les prochaines années. En comparaison aux années précédentes, les taux de conversion futurs adoptés ont diminué de manière significative et plus largement.
Le taux d’intérêt technique moyen de 1.76% reste à un niveau supérieur au taux d’intérêt sans risque. L’étendue des taux d’intérêt techniques (différences entre les caisses) reste très importante.
Lors de son Assemblée Générale ordinaire du 25 avril 2019, la Chambre Suisse des experts en caisses de pensions (CSEP) a approuvé la révision de la directive technique 4 sur le taux d’intérêt technique (DTA 4). Le taux technique recommandé doit être inférieur au rendement net attendu de la stratégie de placement, avec une marge appropriée et être conforme à la « structure et aux caractéristiques » de l’institution de prévoyance. Une caractéristique importante de la tolérance structurelle au risque d’une institution de prévoyance est la proportion de rentiers. Selon la DTA 4, une caisse à forte proportion de rentiers devrait ainsi fixer un taux d’intérêt technique proche du taux sans risque. La nouvelle DTA4 définit la limite supérieure pour le taux technique comme la moyenne des 12 derniers mois des taux des obligations de la Confédération à 10 ans à laquelle est ajouté un supplément de 2.5%. Une déduction est, ensuite, appliquée pour l’utilisation de tables périodiques. Au 30.09.2019, la limite supérieure est de 1.83% (si utilisation de tables périodiques) et de 2.13% (si utilisation de tables générationnelles).
La relation entre le taux d’intérêt technique et la proportion de rentiers est très faible et statistiquement non significative. Cela ne correspond pas à l’esprit de la nouvelle DTA 4.
La proportion d’institutions de prévoyance utilisant des tables générationnelles et ayant un taux technique dépassant la limite supérieure de 2.13% est raisonnable et se monte à environ 8% (12 sur 152 IP).
La proportion d’institutions de prévoyance utilisant des tables périodiques et ayant un taux technique dépassant la limite supérieure de 1.83% est importante et se monte à environ 50% (62 sur 121).
Par rapport à 2019, la rémunération effective moyenne a nettement augmenté (+1.15 point de pourcentage) pour atteindre 2.53%. Le taux d’intérêt technique moyen affiche une baisse de ‑0.23 point et s’élève à 1.76% (voir chapitre 3).
Ce n’est que pour la deuxième fois depuis 2008 que le taux d’intérêt crédité moyen sur les capitaux de prévoyance des assurés actifs est supérieur à la valeur moyenne du taux d’intérêt technique utilisé. En 2019, la caisse de pensions moyenne accordait un taux d’intérêt supérieur de +0.77 point de pourcentage aux assurés actifs. Toutefois, sur le long terme, le taux d’intérêt technique moyen reste nettement supérieur au taux d’intérêt moyen crédité aux assurés actifs.
De mi-février à fin mars 2020, des corrections majeures ont été observées sur les marchés. Les banques centrales et les gouvernements du monde entier sont ensuite intervenus à une échelle encore jamais vue. Ces annonces et mesures ont conduit à stabiliser la situation et permis une reprise massive et rapide des marchés financiers. Une telle reprise n’avait également encore jamais été vue. Malgré une augmentation continue du nombre de cas dans le monde et une nouvelle hausse en Europe, la reprise des marchés financiers est toujours en cours en date du 28.09.2020.
Au 28.09.2020, de nombreux marchés se sont repris et les stratégies classiques des caisses de pensions suisses présentent souvent un rendement absolu positif à la date de référence (portefeuilles moyens des caisses de pensions entre +1.08 et +1.51%). L’évolution de la pandémie de coronavirus et des marchés financiers reste incertaine. Le faible niveau des taux d’intérêt est également toujours un défi majeur pour les institutions de prévoyance.
Rendement absolu / taille des caisses de pension
Les plus grandes caisses de pensions ont-elles, en moyenne, réalisé une performance absolue plus élevée que les petites caisses en raison d’une meilleure capacité de négociation lors de l’attribution de mandats (frais inférieurs en raison de leur taille) ou de moyens d’analyse plus importants? Au cours des deux dernières années (2018 et 2019), la taille du portefeuille n’a pas eu d’influence sur la performance des caisses de pensions. Ceci est d’autant plus intéressant que différentes classes d’actifs ont présenté de bonnes performances durant cette période. En moyenne, les performances ont été négatives en 2018 et nettement positives en 2019. Sur la base des deux dernières années, les données à disposition ne permettent pas de confirmer l’hypothèse que les grandes caisses de pensions ont un avantage comparatif sur les petites (voir chapitre 5).
Sur la période de 2018 à 2019, les grandes caisses de pensions n’ont, en moyenne, pas réalisé de meilleures ou de moins bonnes performances absolues que les petites institutions de prévoyance.
Frais de gestion de fortune
Tant dans le débat public que pour les responsables des caisses de pensions, les frais de gestion de fortune jouent un rôle important. En 2019, ces derniers s’élevaient, en moyenne, à 0.42% (médiane: 0.38%) des placements transparents. Comparé à l’année 2018 (moyenne: 0.44%, médiane: 0.40%), les frais moyens et médians ont légèrement diminué. Environ 93% (2018: 97%) des caisses de pensions ont un taux de placements transparents compris entre 98% et 100% (voir chapitre 7).
Par rapport à 2018, les frais moyens de gestion de fortune ont légèrement diminué. La proportion d’institutions de prévoyance présentant une transparence des coûts reste élevée.
D’autres indicateurs
Sur les 231 caisses de pensions de droit privé, seules deux sont encore en primauté des prestations. En revanche, environ 11% des caisses de pensions de droit public sont encore en primauté des prestations. La primauté des cotisations est de loin la primauté la plus répandue.
En ce qui concerne l’utilisation des tables de mortalité, le nombre d’institutions de prévoyance recourant aux tables générationnelles a encore progressé. A fin 2019, pour la première fois, une majorité (56% contre 48% à fin 2018) des institutions de prévoyance utilisait des tables générationnelles au lieu des tables périodiques.
La part des capitaux de prévoyance des assurés actifs par rapport à l’ensemble des capitaux de prévoyance techniques s’élève, en moyenne, à environ 53% et a légèrement diminué par rapport à l’année passée. Environ 50% des institutions de prévoyance présentent une proportion de capitaux de prévoyance des assurés actifs située entre 42% et 65% (voir chapitre 9).
Les stratégies de placement des caisses de pensions continuent à afficher une grande diversité. Les obligations en CHF, les actions internationales et l’immobilier représentent toujours de loin les classes d’actifs les plus importantes. La proportion d’obligations en CHF et en devises étrangères a légèrement diminué par rapport à l’année précédente. A l’inverse, les placements alternatifs et l’immobilier ont légèrement augmenté. Quelques institutions de prévoyance suivent des stratégies dépassant les limites définies par l’art. 55 OPP 2. Ainsi, une institution de prévoyance dépasse la limite supérieure en actions fixée par l’art. 55 OPP 2 à 50%, 17 dépassent la limite supérieure des placements alternatifs fixée par l’art. 55 OPP 2 à 15% et 29 institutions de prévoyance dépassent la limite supérieure de 30% en immobilier. Au total, 45 des 253 caisses (soit environ 17.8%) dépassent, dans au moins une classe d’actifs, les limites OPP 2 en matière de placement. Tout dépassement des limites fixées dans l’OPP 2 doit être signalé dans le rapport annuel (voir chapitre 9).